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Yannis Irsuti : « un vrai bonheur »

Publié par Justine Geisler le jeudi 20 juin 2019 à 14:33

Après une grave blessure aux cervicales survenue en septembre 2018, Yannis Irsuti a repris la compétition SX à Chateauneuf les Martigues, pour le Pro Hexis. Revenu de loin, il se confie.

LeBigUSA.com : Après ton accident survenu il y a 9 mois, on imagine ton bonheur de retrouver le chemin de la compétition. Comment s’est passée cette ouverture de saison SX ? 
Yannis Irsuti : C’est clair, c’est un vrai bonheur d’être de retour à la compétition. J’ai fait une pige sur le championnat de France Elite à Pernes-les-Fontaines en mai dernier. Même sous la boue, j’étais le pilote le plus heureux. Etre maintenant de retour en Supercross, qui plus est sur une course organisée par mon club, c’est une grande émotion que j’ai essayé d’intérioriser. Ce retour s’est bien passé. Comme je le dis à chaque fois qu’on me pose cette question, je ne me prends pas la tête avec les autres pilotes, à chercher qui fait quoi, qui est devant. Je suis extrêmement concentré sur moi-même et ne me fie qu’à mon ressenti. J’ai essayé d’être le plus détendu possible. C’était difficile notamment lors des qualifications et en première manche. Je m’en suis bien sorti malgré tout puisque j’ai joué les premiers rôles.

Avec quels objectifs t’alignais-tu sur ce SX de Châteauneuf-les-Martigues ?
Mon objectif était de montrer qu’il ne fallait pas m’oublier, montrer que je reste un pilote solide. J’espérais au plus profond de moi faire un podium mais même une 5ème place ne m’aurait pas déçu. A final, je gagne… Je pense que l’objectif est atteint !

Le niveau semblent relativement homogènes puisque vous vous êtes partagés les victoires avec Lucas Imbert et Anthony Bourdon. Tu nous le confirmes ?
Sincèrement, je ne me souviens pas des résultats des autres pilotes. Je me suis retrouvé pendant les 3 manches avec Imbert qui est dans le coup. Bourdon a fait sa course tranquillement en 3ème manche après le holeshot. Pour ma part, je sors 5 et en remontant 2ème, je gagne le général. Je n’étais pas capable de faire mieux. Ils sont présents là où on les attendait et je pense que cela offrira de belles manches tout au long de la saison.

Qu’est ce qu’il t’a manqué pour décrocher les deux autres victoires de manches ?
En première manche, j’aurais pu gagner. Je suis passé en tête mais j’ai commis des erreurs immédiatement. Je ne savais pas si j’allais tenir le rythme physiquement. Après 9 mois sans aucune course de SX, j’étais dans le doute le plus total. Je dirais aussi qu’il m’a manqué un peu de folie dans le premier tour. J’ai perdu trop de places. Je suis très prudent, peut-être trop.

Tu n’as pas du vivre que des moments simples ces derniers mois… Qu’est ce qui a été le plus difficile à gérer pour toi ?
Ce qui m’a le plus marqué, c’est l’annonce de mon chirurgien (le Dr Graziani). Mon examen de contrôle après 2 mois de corset était très mauvais et l’opération devenue inévitable. Il m’a alors dit que la moto, c’est terminé. Il me dit aussi qu’il ne sait pas comment les choses vont se passer car j’ai perdu une artère vertébrale. Je n’en ai plus qu’une et c’est donc très risqué. Il a commencé à réfléchir à une opération pour me sauver car en me bloquant les deux cervicales C1 et C2, les assurances ne fonctionnaient plus. J’ai pris plusieurs avis, passé 15 examens radiologiques au total. J’étais fatigué de tout ça… Le dernier IRM que j’ai passé m’a fait ressentir des brûlures au niveau du cou et de l’œsophage. Il était temps que ça s’arrête. Le fait de se faire ouvrir la tête et de connaître les risques était difficile. J’y ai pensé toutes les nuits jusqu’à mon passage au bloc opératoire. J’ai dû signer un papier où ils me demandaient simplement si en cas de problème j’autorisais mes parents à prendre une décision… J’ai regardé ma copine et ma mère et je leur ai dit « vous n’hésitez pas, vous me débranchez ». Cette question, j’y avais réfléchi mais je ne pensais pas y être confronté de cette manière, dans ma chambre, juste avant l’opération. Après la première opération, je me sentais bien. J’étais soulagé et heureux que tout soit terminé. Je bougeais la tête et me sentais bien. Deux jours après, je passe un scanner et là , au moment du repas du soir, le chirurgien me rend visite. Je m’en souviendrais toujours. Il me dit que je vais bien mais qu’il faut me réopérer dès le lendemain matin car une vis n’est pas assez centrée. Il doit ré-ouvrir pour la replacer.

Pour moi c’est la fin… Il est sorti de ma chambre et ma copine est allée se chercher à manger. Je me suis retrouvé seul et je me suis effondré. Je n’étais pas prêt à entendre ça. Je me suis dit que ça allait être compliqué, que c’était foutu car je n’allais pas le supporter. Les jours qui ont suivi la deuxième opération ont été compliqués. J’avais mal, ma tête gonflait un peu comme celle de Weston Peick. Je n’arrivais plus à bouger. J’en ai vraiment chier… J’ai perdu 6 kg en une semaine et j’étais faible. J’ai passé 8 jours sombres à l’hôpital, à dormir, ne supporter aucun bruit. J’ai très mal dormi pendant plusieurs mois, jusqu’à mai. Les anesthésies (8 heures au bloc pour la première et 5-6 heures pour la deuxième) ainsi que les anti-douleurs m’ont déréglé le foie ce qui provoquait un réveil chaque nuit entre 3 et 4 heures du matin. Ensuite, durant ma convalescence, le plus difficile à gérer fut l’incertitude. Je demandais à mes kinés des précisions sur les rotations de ma tête mais ils étaient incapables d’être francs. En fait, personne n’avait de recul sur une telle blessure car j’ai subis une chirurgie que personne n’a eu avant moi. Je suis un miraculé pour eux. D’ailleurs, ils me l’ont répété des dizaines de fois. La C1 contrôle tout, y compris le diaphragme. Si la moelle avait été touchée, c’était terminé pour moi. La dernière chose qui a été difficile à gérer fut la reprise du sport. Je ne valais plus rien, j’avais mal partout… A chaque fois que je progressais, une nouvelle tension m’empêchait de terminer ma séance. Mes kinés et mon préparateur physique ont bossé là-dessus mais ça a été dur pendant plusieurs semaines. Il a fallu accepter le fait de devoir prendre son temps et oublier mes anciennes sensations en course à pied, vélo ou autre.

Aujourd’hui, gardes-tu des séquelles de ton accident ?
Oui, ma tête ne tourne plus comme avant. Sur une course, avec les tensions musculaires, je n’ai environ que 85% de rotation. Cela créé une raideur sur 3-4 cervicales et fait que mon dos est désormais très droit. C’est d’ailleurs visible sur la moto. Je ne peux pas faire autrement.

As-tu des appréhensions ?
Pas spécialement. J’ai eu 6 mois pour les combattre que ce soit à vélo ou en course à pied. J’ai chuté quelques fois en courant car je voyais mal devant moi et tout s’est bien passé. Bizarrement ça m’a rassuré avant de reprendre la moto. C’est sûr, j’ai un peu peur de retomber sur la tête et c’est pour ça que je suis concentré sur moi-même en course. Il est hors de question que je prenne des risques à cause de quelque chose de parasite.

Comment te sens tu aujourd’hui sur la moto ? Penses tu avoir retrouvé ton meilleur niveau ?
Je me sens très bien. J’essaie de ne pas vouloir retrouver toutes les sensations du passé car mon pilotage a changé en fonction de mon corps. Je suis encore un peu limite physiquement. Lorsque je serai au top, je pense que je serai en mesure de faire mieux qu’avant.

L’ouverture du SX Tour à Clermont est en ligne de mire. Quels sont tes objectifs là-bas ?
L’objectif est le même. Je veux avoir un bon ressenti et si je peux être sur le podium ce serait cool. Si je gagne ce serait parfait ! La victoire du week-end dernier m’a libéré… Une chose est sûre, je donnerai le meilleur de moi-même.

Propos recueillis par Justine Geisler.

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