Tim Cotter : « l’outdoor a failli être annulé »

Publié par La Rédaction le vendredi 6 novembre 2020 à 10:10

L’outdoor US 2020 n’est pas passé loin de la catastrophe. Après 1 mois de recul, nous avons demandé à Tim Cotter, Directeur des courses chez MX Sports, qu’il nous raconte tout.

LeBigUSA.com : maintenant que l’outdoor US est derrière nous, pouvez-vous nous expliquer les difficultés rencontrées pour l’organiser ?
Tim Cotter :
la 1ère difficulté est qu’il a fallu se réinventer. Avec la crise du Covid, on était face à un problème que l’on n’avait jamais rencontré auparavant. Cela n’a pas été simple de s’adapter. A partir de là, mettre en place un calendrier qui tienne la route en tenant compte des règles sanitaires des différentes Etats s’est révélé très compliqué. Le plus difficile a été de gérer les changements constants. Aucune décision ne pouvait vraiment tenir car quelque chose venait à changer aussitôt. Ca arrivait parfois quatre à cinq fois par jour. C’était usant au début. 

A partir de quand avez-vous réalisé que ça serait très difficile ?
J’ai su que cela allait être compliqué dès le mois de mars lorsque le Championnat de Supercross a été suspendu. Je le répète notre force a été de s’adapter. On a l’habitude, on fait ça tout le temps. Quand il pleut, on s’adapte. Quand on a trop de pilotes inscrits, on s’adapte, etc. Nous avons mis en place des ressources que l’on n’imaginait pas. On a travaillé avec des gens que l’on pensait ne jamais rencontrer un jour comme des docteurs du départements de la santé, des épidémiologistes, etc. Cela n’a pas été facile, loin de là. Je n’ai pas beaucoup dormi pendant cette période mais on se devait de relever le défi pour ne pas laisser tomber l’oudoor.

Comment avez-vous finalement décidé d’avoir 9 épreuves au lieu de 12 ?
Dès le mois de mars on a ouvert un dialogue avec les constructeurs motos tous les mercredis à 14 h. Au début ils étaient très divisés. Je te dirais pas lesquels mais certains ne voulaient pas de championnat du tout. Puis ils ont réalisé que les sponsors n’allaient pas payer les factures si aucune course n’était organisé. Les choses ont évolué petit à petit. On s’est alors demandé combien de courses étaient nécessaires pour faire un championnat car l’AMA n’a pas de règles dans ce domaine. On s’est donc dit que 8 épreuves étaient un bon début. On a donc prévu 9 courses pour espérer en avoir 8 au final au cas où il se passerait quelque chose. A partir de là, on s’est mis au boulot pour trouver des pistes où les Etats nous permettaient de rouler. En plus d’être en contact avec les prometteurs habituels, on a cherché des solutions au Texas, Géorgie et Caroline du Sud.

Ne pas pouvoir inclure des endroits mythiques dans le calendrier (Budds Creek, High Point, Southwick et Unadilla) a t-il été un crève coeur  ? 
Bien sûr que cela a été un crève coeur. On parle de pistes légendaires. Pour le Supercross ce n’est pas grave de faire disparaitre un stade ou deux du calendrier. Pour le motocross, c’est différent. Jill et Greg Robinson d’Unadilla ne vivent que de l’outdoor. C’est leur seul source de revenus. Pendant une semaine ils gagnent assez d’argent en attendant la course de l’année d’après. Je me sens mal vis à vis de toutes ses familles qui n’ont pas pu organiser de courses cette année et qui ont vu leur revenu annuel disparaitre aussitôt. C’est une tragédie. Je ne sais pas s’ils vont s’en remettre financièrement.

Avez-vous été en contact avec Feld Entertainment pour avoir des conseils ?
C’est même la 1ère chose qu’on ait faite. On a regardé attentivement comment ils ont géré la situation à Salt Lake City. Nous avons beaucoup appris. C’est d’autant plus étonnant qu’on ne se « parlait » pas vraiment avant la crise du Covid. On faisait chacun son truc dans son coin. On ne partageait jamais nos stratégies, nos « secrets », etc. La situation a changé pas mal de choses. C’est un mal pour un bien au final. Devant un tel bouleversement on ne pouvait pas faire autrement. Il fallait se serrer les coudes. Je pense que Feld et Mx Sports sont contents de l’avoir fait.

Y a-t-il eu un moment où vous avez pensé que l’outdoor n’allait pas avoir lieu ?
Le mois d’avril a été très stressant. L’outdoor a d’ailleurs failli être annulé plusieurs fois à cette période. J’ai vieilli de 20 ans. Je savais que chaque décision que l’on allait prendre allait affecter des centaines de personnes. Ce n’est pas facile à vivre. Je n’ai pas beaucoup dormi. En même temps c’était important de tenir le coup car tous les regards étaient tournés vers nous. On devait mettre quelque chose en place avec les moyens que l’on avait et surtout que ça tienne la route. Avec le recul, j’en ai encore des frissons rien que d’en parler. Ce n’était pas gagné. Avec les efforts de toute l’industrie du cross US, on est parvenu à réaliser une saison presque normale. C’est une grosse satisfaction.

Pourquoi a t-on vu des spectateurs à certaines courses et pas à d’autres ?
Notre Président a laissé les Etats décider de ce qu’ils voulaient faire en terme d’événements, de spectateurs autorisés, etc. Certains gouverneurs des Etats n’ont pas voulu prendre des décisions, ils ont donc repassé le baton aux responsables des comtés. Au niveau local, ils ne savaient pas trop quoi faire. Autant dire qu’on a du négocier avec plein de personnes différentes qui n’avaient parfois aucune idée à quoi s’attendre avec la pandémie. C’était un casse-tête car d’un Etat à un autre tout pouvait changer d’une heure à l’autre avec des règles sanitaires parfois contradictoire. Dans le Tennessee on pouvait avoir par exemple 5 000 spectateurs. Pas un de plus mais le port du masque n’était pas obligatoire. Dans le Michigan, à RedBud, seuls les participants aux courses amateurs pouvaient avoir des tickets. Cela n’avait aucun sens car dans l’Indiana à Ironman, les fans étaient acceptés alors que le Michigan est seulement à 10 kilomètres. C’est assez difficile d’expliquer en quelques mots combien la situation était compliquée.

Avec le recul, qu’avez-vous appris cet été ?
J’ai appris à être flexible et humble. J’ai été triste de voir que nos fans ne croient pas au port du masque. Plus on avançait dans la saison et moins de personne en portait. Le Covid-19 n’est pas une plaisanterie. Je ne comprends pas comment on peut prendre ce virus à la légère. Avec le recul je suis content qu’on ait fermé les pits au public pour protéger les pilotes, les mécaniciens, etc. Maintenant j’espère que le monde n’aura plus jamais à vivre une pandémie comme celle-là.

Est-ce trop tôt pour parler de l’outdoor 2021 ?
Non pas du tout. Je suis d’ailleurs en train de finaliser le calendrier pour 2021. On travaille comme si la crise du Covid était terminée. On part donc sur une saison avec 12 épreuves comme avant qui devrait commencer fin mai et se terminer un peu plus tard que d’habitude. Je ne peux pas en dire plus. L’outdoor a souffert en 2020 comme beaucoup de business à travers le monde mais on compte bien repartir de plus belle en 2021.

Propos recueillis par Stéphan Legrand.

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