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CMA : Interview Sébastien Tortelli (2005)

Publié par La Rédaction le jeudi 10 décembre 2020 à 10:03

On profite de la période creuse pour revenir dans le temps. En 2005, Sébastien Tortelli termine 7ème du Championnat SX US 250 cm3 à 69 points de David Vuillemin (4ème). Souvenirs.

Stéphan Legrand : Es-tu satisfait de ta saison de Supercross ?
Sébastien Tortelli : Oui et non. Oui, car j’ai obtenu de bons résultats. Non, parce que j’ai du abandonner plusieurs fois. J’ai eu des problèmes qui m’ont fait descendre dans le classement et perdre contact avec David alors que j’aurais pu me battre avec lui. Il m’a fallu six courses pour avoir la moto que je voulais au niveau des réglages et préparatifs. Durant les courses en Californie, il a fallu que j’adapte la moto à mes besoins. Le problème est que je ne les connaissais pas encore très bien étant donné que je n’avais encore jamais roulé sur un 4 temps et que les circuits en course sont différents de ceux où l’on s’entraîne. Je compare cette année à celle où je suis arrivé en catégorie 250. Je me suis senti comme le pilote qui vient de la catégorie 125, qui roule bien, qui a de la vitesse, qui fait des beaux trucs mais qui doit s’adapter et qui fait des erreurs.

Es-tu un peu déçu ?
Non, pas du tout car j’ai eu l’occasion de montrer mon potentiel mais peut-être pas autant que je l’aurais voulu. Par exemple, à Pontiac, je pars 4ème, Ricky me prend la roue avant, je tombe. J’ai mis trois tours pour redémarrer la moto. Je me suis fait couper l’herbe sous le pied. Daytona, j’étais 6ème, derrière le groupe, je me sentais bien. Je me suis fais un trou à l’appel d’un saut, je suis tombé court sur l’enchaînement, je tombe, j’explose la moto. Abandon. Le week-end dernier, je m’accroche au départ, je pars dans les derniers, je remonte, j’étais remonté sur David, je fais une petite erreur, je tombe. Il m’a fallu encore trois tours pour redémarrer la moto. Donc, à plusieurs reprises, j’ai été vraiment frustré mais sur l’ensemble, je suis content de ma saison. C’est d’ailleurs la première année que j’aurais réalisé une belle saison de Supercross. C’est donc positif.

Comment t’es-tu senti physiquement ?
Physiquement, mieux que jamais. Je ne souffre plus, je suis plus fluide sur la moto. J’avais pris conscience qu’il fallait que je me prépare beaucoup cette année, ce que j’ai fait. Le fait de m’être blessé m’a d’ailleurs aidé, j’en ai tiré des enseignements. Je me suis fait ma propre structure pour les entraînements. J’ai les personnes que je souhaite autour de moi. Tout ce que je fais est très cadré. Tout est planifié. Je sais où je vais. J’ai des objectifs concrets. C’est ce dont j’ai besoin pour atteindre mes objectifs.

Qui sont les personnes qui t’entourent ? Quels sont leurs rôles ?
Il m’aura fallu six ans pour trouver les personnes que je voulais. J’ai un entraîneur physique qui travaille avec moi trois jours par semaine. C’est un pilote professionnel de jet-ski. J’ai une kinésithérapeute, Crystal Nyberg, avec qui je travaille chaque semaine. Elle me permet d’être sur pied plus rapidement. Je suis aussi plus souple, on fait beaucoup de stretching notamment. Mon coach moto est toujours Ricky Johnson. Voilà les personnes que j’ai choisies et qui répondent parfaitement à mes besoins.

Pourquoi ressens-tu la nécessité d’avoir ces personnes autour de toi ?
J’ai toujours eu l’habitude d’être entouré et jusque là, je n’ai pas réussi à trouver une seule personne qui soit complète, qui puisse m’apporter ce dont j’ai besoin dans chacun de ces domaines et qui agisse comme je le désire. Dans le milieu moto, pour moi, il n’y a personne d’assez compétent au niveau physique et qui puisse répondre à ma demande. Je n’ai pas forcément besoin de quelqu’un qui soit super performant physiquement mais j’ai besoin que la personne soit là, disponible pour me fournir un planning. Quand tu regardes un athlète, il a un planning bien cadré, il sait avant d’attaquer sa semaine ce qu’il va devoir faire, à quelle heure se lever, quel est le programme exact de sa journée. Cela me rappelle d’ailleurs l’époque de l’INSEP. Je me rends compte que j’ai besoin d’avoir ce cadre, c’est ainsi que je peux donner le meilleur de moi-même. Aujourd’hui, je suis encore mieux physiquement qu’avant ma blessure. J’ai un environnement très cadré, très strict. C’est ce qui me va le mieux.

Cela t’a donc pris six ans pour créer ça autour de toi ?
Cela m’a pris du temps car, avant, je n’avais pas pris conscience de mes besoins. Je n’arrivais d’ailleurs pas à les identifier. J’ai obtenu de très bons résultats en Europe justement parce que j’étais bien cadré, avec Jacky Vimond, l’INSEP, l’encadrement scolaire. C’était très structuré. Lorsque je suis arrivé aux Etats-Unis, je n’avais plus ce cadre. La première année, je me suis débrouillé tout seul. Je n’ai pas su me restructurer car je ne me rendais pas compte que c’était ça dont j’avais besoin. Après, j’ai compris qu’il me fallait quelqu’un pour m’aider à reconstituer cette structure mais ce n’était pas les bonnes personnes. Ensuite, j’ai trouvé des personnes très structurées mais je n’étais pas dans cet état d’esprit donc cela n’a pas fonctionné non plus. Le fait de m’être blessé m’a permis de me poser, de faire un bilan, de prendre du recul, de comprendre ce qui n’allait pas et de trouver les solutions. J’ai eu 25 ans, j’ai mûri, j’ai fait un bilan de ma carrière. Cela m’a aidé. Je me suis rendu compte qu’il me restait quelques années de carrière et que si je ne changeais rien, je passerais à la trappe.

Revenons à ta saison de Supercross. Penses-tu avoir progressé ?
Bien sûr que j’ai progressé. Je me sens beaucoup mieux sur la moto. Je fais beaucoup moins d’erreurs. Je suis moins fouillis, mes résultats sont bons quand je n’ai pas de problème. Je trouve que j’ai une bonne vitesse malgré que je roule sur une 450 en Supercross. Avant ma blessure au genou, je trouve que j’avais déjà énormément progressé. Malheureusement, ma progression a été écourtée.

Les problèmes que tu as eus avec la 450 ont-ils été « adressé » à Suzuki ?
Au départ, les problèmes sont venus du fait que je n’ai pas fait assez de testing parce que l’équipe était très occupée avec Ricky Carmichael. J’ai donc été lésé au début de saison. De plus, le terrain d’entraînement de Suzuki ne correspond pas aux conditions précises de course, avec par exemple une terre plus molle. J’ai donc découvert d’autres problèmes quand je suis arrivé en compétition. Sinon, la moto est bien, avec un bon moteur, elle est maniable même si c’est une 450. Elle n’a donc pas la même inertie au niveau du moteur qu’une 250. Je ne suis pas Kevin Windham qui n’a pas besoin d’une moto extraordinaire. Quoiqu’il ait entre ses mains, il arrivera à aller vite. Ce n’est pas mon cas. J’ai besoin de beaucoup plus de précision et d’avoir une moto que je puisse dominer.

Penses-tu que la 450 Suzuki est capable de gagner un Supercross ?
Non, je ne crois pas. Les 250 sont plus en avance en Supercross. Et à l’inverse, je vois mal une 250 gagner une course de motocross. Même si c’est Bubba qui roule sur une 250 en motocross, même s’il est très rapide, je ne pense pas qu’il puisse gagner le championnat sur une 250.

La 450 semble avoir des problèmes de démarrage, de remise en route ?
En fait, il ne faut pas caler. Quand tu tombes, il est nécessaire de la remettre au point mort pour pouvoir redémarrer. Parfois, elle est un peu capricieuse.

Quelles sont les solutions apportées ?
Les Japonais ne veulent pas mettre de démarreur électrique. Depuis le début, c’est ce que je leur demande, même si cela alourdit la moto, cela m’est égal. Mais non, ils ne veulent pas. Ce n’est pas un problème propre à Suzuki mais propre aux 4 temps. C’est frustrant car cela m’a fait perdre des points et une chance de me battre pour la 5ème place avec David. Ce sont des problèmes qui ne devraient pas exister avec la moto aujourd’hui. Mais je pense que d’ici quelques années, ils auront résolu ce souci. On est encore dans une phase de développement. Pour la 250, c’était pareil il y a quelques années. Aujourd’hui c’est l’arme absolue en Supercross. La 4 temps va certainement suivre la même évolution.

As-tu été surpris par la performance de Ricky cette année ?
J’ai été surpris par sa performance après l’US Open. Il avait clairement « dérapé » à l’US Open. Il a ensuite tout mis en œuvre pour dominer Chad Reed la première moitié de la saison de Supercross. C’est un bosseur, il est connu pour ça. Il a travaillé ce qu’il fallait sans s’obstiner à rester dans sa ligne de conduite. Bubba l’a déstabilisé quand il est revenu.

Penses-tu que la blessure de Stewart a été une chance pour Ricky ?
Ca l’a aidé, oui, je pense. Je ne pense pas que James Stewart aurait gagné le championnat mais il déstabilise Ricky. Depuis que Stewart est revenu, Ricky n’est plus ce qu’il était au début du championnat. Il se cache derrière le fait qu’il veut assurer son titre mais je pense qu’au fond de lui-même il est déstabilisé par Bubba. A Dallas, quand Stewart est revenu et qu’il roulait plus vite que tout le monde, ça fumait dans tous les sens chez Suzuki. Ricky a été dominateur une bonne partie de sa carrière. Aujourd’hui, il sent sa domination remise en question. Forcément, ça lui pose un problème. C’est normal. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il va prendre rapidement sa retraite. Il ne voudra pas ternir son image.

Crois-tu que 2005 sera son dernier titre ?
Pas forcément. Je ne sais pas à vrai dire. Tout dépend de la performance de Stewart et de sa capacité à se calmer. Il a largement la vitesse pour gagner mais il fait des erreurs. Mais s’il domine en motocross, il va certainement dominer la saison prochaine de Supercross. Je l’ai vu à Seattle où il a plu tout le temps. Il y avait des ornières partout, avec une terre noire et très molle. Lors du premier tour des dix minutes d’essai, il a tout passé, tous les triples, tous les enchaînements, tout. Cela montre un excès de confiance et non pas un excès de talent. Même si tu es talentueux, tu ne prends pas trop de risques avant de savoir ce que tu vas trouver. Il ne garde aucune marge de sécurité. Cela peut lui jouer des tours dans l’avenir. Quand il aura un peu muri, il sera vraiment imbattable. Mais aujourd’hui, plein de choses peuvent encore le faire dérailler.

Est-il un « extra-terrestre » ?
Non, il a fait monter le niveau d’un cran comme l’a fait Ricky et d’autres pilotes avant. C’est comme ça que le sport évolue.

Quelles sont tes relations avec RC ?
Aucune. Nous sommes dans la même équipe sans être dans la même équipe. J’ai fait les tests hier pour la première fois avec lui. Autrement, nos relations sont polies. C’est tout. Nous ne sommes pas dans le même camion et pas finalement pas dans la même équipe. Je n’ai pas vraiment de contact avec lui. Cela ne me dérange pas. Il a fait ce choix, il voulait avoir son propre camion pour avoir aussi sa propre équipe.

Va-t-il bénéficier de tes tests sur la 4 temps ?
Bien sûr. Je l’ai fait pour moi mais aussi pour l’équipe, c’est logique. Nous avons des motos à peu près semblables. Nous avons une moto d’usine avec une évolution standard. Il pourrait avoir une moto différente avec un autre moteur mais les Japonais n’ont pas choisi cette option là. Non pas parc qu’ils ne voulaient pas mais parce que cela aurait couté trop cher. Les usines aujourd’hui font évoluer les motos à la base de la série.

Y-a-t-il beaucoup de différences entre ta moto de Supercross et celle de Motocross ?
Non. Le cadre est juste plus rigide. Les pots et les réglages, la base reste la même.

As-tu commencé les tests pour le Motocross ?
Oui, finalement. Je dis finalement car je trouve que c’est un peu tard. Je ne voulais pas avoir le même problème qu’au début de la saison de Supercross où la moto était neuve. Les Japonais n’arrivaient pas à fournir les pièces. Heureusement, pour le Motocross, nous avons les bonnes pièces d’entrée et la moto est très bien à la base.

Tu sembles très critique envers Suzuki, non ?
En fait, beaucoup de choses se sont passées cette année. C’est une bonne année. Je pense que c’est difficile pour eux de suivre, d’être au point. C’est vrai que c’est une nouvelle moto mais ils auraient dû être davantage prêt à affronter cette saison. J’ai l’impression que tout a été retardé à la base. Donc, forcément, on en subit les conséquences en Supercross. J’espère que ce ne sera pas le cas pour la saison de Motocross.

Quels sont tes rapports avec Roger ?
Ces derniers temps, je ne l’ai pas trop vu car il se focalise sur Ricky Carmichael. C’est notre chef d’équipe qui est aussi en charge de la direction des tests. C’est donc au moment des tests que j’ai le plus de contacts avec lui. Il y a en fait un sous-chef d’équipe, Ray, qui s’occupe du 2ème camion lors des compétitions.

As-tu hâte de rouler en motocross ?
Oui, vraiment. L’an dernier, je roulais sur une 250. J’en ai souffert. J’ai eu pas mal de problèmes même si j’ai fait des podiums. J’étais le seul en 250 à aller sur le podium. C’était une bonne chose. J’ai hâte cette année car j’ai fait ce que je devais faire en Supercross. J’ai préparé la moto, je suis physiquement au top, je ne suis pas blessé. Tout mon potentiel est là. Le seul point noir aujourd’hui c’est que je n’ai pas encore les suspensions pour le motocross mais j’espère que d’ici deux ou trois semaines, j’aurai fait tous les tests afin d’être au top pour les premières courses.

Quel sera ton principal adversaire ? Ricky ? Bubba ? Ou toi ?
Ricky reste l’adversaire n°1 parce qu’il a fait deux saisons parfaites en motocross. Ce qui est d’ailleurs incroyable. Ensuite, un groupe de pilotes va se battre pour les premières places. On saura lesquels ce seront dès les trois premières courses. J’espère que j’en ferai partie. Stewart sera là, Windham sera là, Reed aussi, Ricky bien sûr. On est cinq à voir comment ça va se négocier.

L’année dernière, tu es revenu fort en motocross, tu as fait des podiums avec la 250. Tes objectifs sont-ils plus élevés maintenant que tu roules en 4 temps ? 
Mon premier but est de gagner des manches. Après, on verra au fur et à mesure de la saison. J’ai été pénalisé de ne pas rouler en 450 l’année dernière. J’étais plus lent de 4 secondes au tour que Ricky. Cette année, pendant les tests, je suis dans les mêmes temps. J’espère pouvoir faire une belle saison et montrer mon potentiel ce que je n’ai pas pu faire depuis que je suis arrivé aux Etats-Unis.

Est-ce que la pression est plus importante que l’année dernière ?
Non, je n’ai aucune pression sur les épaules. Je ne mets pas la pression. Je renforce chaque jour mon potentiel. C’est ce qui me permet de dire aujourd’hui ce que je pense pouvoir faire pendant cette saison de motocross. Je suis beaucoup plus solide. Je me donne à fond chaque jour de la semaine. Je ne sens pas de pression sur les épaules car je me donne à fond dans ce que je fais. Je pense avoir mis tous les atouts de mon côté donc quoiqu’il arrive, je serai en paix avec moi-même. Dans l’équipe, je ne ressens pas de pression sur moi puisque tout est concentré sur Ricky. Les autres pilotes ne m’attendent pas au tournant. Donc, personne ne me met la pression.

Est-ce ta dernière année de contrat avec Suzuki ?
Oui. Je ne mets pas la pression non plus au niveau des résultats par rapport à l’année prochaine. Je n’y pense pas encore. Si je fais la saison comme je suis capable de la faire, je n’aurai pas de problème pour trouver un guidon.

Quel est ton objectif raisonnable ?
Essayer de gagner les courses et de montrer qui je suis réellement.

Tu vas le gagner ce championnat ?
Il y a des chances.

D’ici combien de temps ?
Je ne sais pas. Je ne me suis pas projeté dans le futur. Je vis à court terme. J’ai appris que si tu planifiais trop loin, il devient difficile de faire ce qui doit être accompli dans la journée ou à court terme. Je préfère maintenant vivre dans le présent et me donner à 100%. Le passé est le passé. Le futur dépendra de mon présent.

Est-ce que le Tortelli d’aujourd’hui est plus fort plus rapide que le Tortelli qui a gagné les deux manches à Glen Helen ?
Je ne sais pas. Je pense être plus rapide aujourd’hui mais le niveau augmente en même temps donc cela revient au même.

Penses-tu que la saison 2005 de motocross sera la plus importante de ta carrière ?
C’est une saison charnière pour plusieurs raisons. Tout d’abord car ma blessure et mon arrêt d’un an et demi m’ont forcé à tourner une page. Aussi parce que j’ai fait le choix de ne pas signer de contrat chez Suzuki sur plusieurs années et de ne signer qu’un an avec mes sponsors. Enfin, parce que je pense pouvoir prouver mes capacités cette année, que j’ai 26 ans, j’ai fait le point sur mon passé et je repars sur de nouvelles bases. La chance que j’ai eu avec ma blessure est qu’elle n’arrive pas à la fin de ma carrière. J’ai aujourd’hui l’opportunité de prendre un nouveau départ

Es-tu plus fort physiquement aujourd’hui que tu l’as jamais été ?
Sûrement oui.

Comment t’en rends-tu compte ?
En supercross, je peux faire 20 tours en poussant sans aucun problème. En motocross, je souffre rarement donc je vais pouvoir vraiment m’exprimer.

Tu es donc adepte de « l’entraînement difficile – course facile » ?
Oui, je pense que ce système est le meilleur pour moi.

Pour le nouveau Tortelli ou cela a toujours été le cas ?
J’ai toujours eu une nature à fonctionner comme ça mais je suis parfois tombé dans la facilité surtout quand personne n’était là pour me pousser. Ricky a le même fonctionnement que moi à la seule différence qu’il a toujours fonctionné comme ça. Je paie aujourd’hui le fait que je sois venu aux Etats-Unis et que j’ai eu plusieurs chamboulements dans ma carrière. Les pilotes américains ont une évolution progressive. Rien ne change dans leur vie de pilote. Alors que pour un pilote expatrié, il y a plusieurs étapes à franchir avec les conséquences que cela implique.

Tu regrettes de ne pas avoir vu ça avant ?
Oui mais il ne faut pas. C’est du passé. Je ne peux rien changer. Il faut vivre avec et tirer des enseignements des erreurs passées. C’est ce qui me permet aujourd’hui de rebondir.

Ta fille Tess est née cette année. On dit qu’un pilote perd une seconde au tour dès qu’il a un enfant. Et pour deux ?
Je ne sais pas. Ce que je peux te dire c’est pour moi, c’était un choix d’avoir un deuxième enfant même si ma priorité reste la compétition. Il me reste peut-être cinq années dans le milieu de la moto. Et pendant ces cinq années, je ne pourrai pas être le papa idéal, j’en suis conscient. Mais après j’aurai tout mon temps à leur consacrer.

Ca fait quoi d’avoir une fille ?
C’est top d’avoir un garçon et une fille. Tess a deux mois. C’est Stéphanie qui s’en occupe le plus pour l’instant car si peu de temps après la naissance, le lien reste très fort entre la maman et le bébé. Je trouve que c’est difficile pour le papa de s’intercaler. Je dois avouer que les bébés m’intéressent plus passé six mois car il y a vrai interaction qui s’installe.

Maintenant qu’Enzo est un peu plus grand, c’est difficile de partir sur les courses ?
Non car c’est que je dois faire donc je ne me pose même pas la question. Par contre, quand je dois partir une semaine, c’est vrai, c’est difficile. Aujourd’hui, pour que je parte une semaine de chez moi, il faut me présenter des arguments solides.

Es-tu satisfait de ta vie personnelle ?
Oui, plus qu’avant. J’apprécie ma vie de famille, j’apprécie ce que j’ai, ce que j’ai construit et le futur que nous pourrons avoir. Je dis plus qu’avant car je ne savais pas qui j’étais. Je me sens mieux dans ma peau aujourd’hui. Je ne suis plus l’ombre de moi-même. Je me focalise à fond sur ces cinq prochaines années de compétition. Je me dois de le faire pour moi-même, pour ma paix intérieure, pour être heureux.

Dans un article de l’Equipe Magazine, on te pointe dans le top deux des pilotes motos les mieux payés, est-ce vrai ?
Je crois qu’ils sont un peu à côté de la plaque au niveau des chiffres. Je dois gagner environ pareil que David. D’ailleurs, il gagne peut-être davantage que moi car je n’ai signé qu’un contrat d’un an ce qui implique une baisse de salaire. Donc, non, ce n’est pas vrai mais j’aimerais bien.

Quel est ton rapport avec l’argent ?
Je n’en ai pas pour l’instant car je n’ai pas le temps. J’ai des entretiens avec mes conseillers financiers. Je sais où je vais à ce niveau là mais c’est tout. Ma préoccupation est de garder mon style de vie le jour où j’arrêterai la moto. Aujourd’hui, je me focalise sur ma carrière. Je ne pense pas directement à l’argent. Je ne fais pas mes choix professionnels par rapport à l’argent. Après ma blessure, j’aurais pu me dire : « je signe le contrat avec qui me propose le plus d’argent et peu importe sur quoi je roule et dans quelles conditions. » Je n’ai jamais fonctionné comme ça. Maintenant, on a tous besoin d’argent, c’est vrai. Cela aide quand on en a, c’est vrai aussi. J’espère que je n’en manquerai pas dans ma vie. Ce n’est pas ma priorité.

A part David, Steve et toi, les Français sont un peu inexistants cette année. Es-tu étonné ?
Je trouve qu’en ce moment, être français, n’est pas un avantage. Il y a une vague de pilotes français qui est arrivée et qui a terni l’image des pilotes français. J’ai appris à ne pas dire de noms (rires). Les français ne sont pas les bienvenus pour l’instant. On n’a rien prouvé depuis JMB. Ceux qui sont ici aujourd’hui sont déjà catégorisés, les bosseurs, les non-bosseurs, etc. Les chefs d’équipe ne sont pas fous. Ils sont clairvoyants. Les résultats parlent d’eux-mêmes. L’avenir des français ici est un peu difficile. Certains sont arrivés et n’ont pas vraiment obtenu de bons résultats. Beaucoup pensent que c’est facile de venir et de faire des résultats. Une fois ici, ils tombent de haut.

Penses-tu qu’il y a une relève ?
Je ne sais pas. Je n’ai pas pris le temps de suivre ce qu’il se passe en France. Je n’ai pas fait d’aller-retour dernièrement à part pour faire ma rééducation du genou. Donc, je ne peux pas parler du niveau français.

La France te manque ?
Sur certains points oui, sur d’autres non. Aujourd’hui, je ne me pose pas la question car mes choix ne sont pas là. J’adore rentrer. En général, je rentre en septembre. Mes amis me manquent, c’est sûr. Mais aujourd’hui, je me focalise sur mes cinq prochaines années. Après, j’aurai tout le loisir de voyager.

Tu suis les Grands Prix ?
Je regarde les résultats. Je suis surtout intéressé par ce qui se passe entre Stéphane, Smets et Mickael. Je ne sais pas ce qui s’est passé en 125. Je suis ce que fait Luigi car c’est un ami. Le reste, je ne sais pas.

Tu t’imagines rouler en Europe un jour ?
Cela ne fait pas partie de mes objectifs.

Qu’est-ce qui te ferait le plus plaisir : gagner un championnat outdoor aujourd’hui ou voir ton fils gagner un prix Nobel de littérature ?
Ca va paraître un peu égoïste mais je dirais gagner un championnat de motocross aujourd’hui. Tout simplement parce que dans le long terme cela ne peut avoir qu’une influence positive sur moi donc sur ma famille et donc donner des ailes à mon fils et lui donner confiance en lui pour accomplir ce qu’il souhaite.

Penses-tu à la retraite ?
Non, pas vraiment. Je vis au jour le jour tout en gardant un œil sur le plus long terme. J’ai vraiment peu de temps entre mon entraînement et ma vie de famille pour penser à la retraite. Je dois rester concentré sur le présent. C’est ce qu’il faut aujourd’hui pour rester à un haut niveau. Sinon, je pense que je ferai quelque chose de complètement différent. Ce que je fais aujourd’hui, c’est la partie la plus égoïste de ma vie. J’en suis conscient. J’aimerais que l’on accomplisse quelque chose avec ma femme. Et surtout lui donner à elle la possibilité d’avoir une satisfaction personnelle.

Sans aller si loin, Sébastien Tortelli va rouler pour qui l’année prochaine ?
C’est trop tôt pour en parler. Il y a de l’argent qui arrive dans le milieu ce qui permet de créer de nouveaux team. Les trois pilotes principaux sont déjà casés. J’ai cru entendre que Chad allait créer son propre team. Cela libère une place chez Yamaha. Je pense qu’il y aura plus de teams avec un soutien extérieur comme ont pu le faire Larocco et Windham. Pastrana a aussi créé sa propre équipe avec un soutien d’usine, Suzuki. Le paysage est en train de bouger pour l’année prochaine.

Es-tu plus heureux maintenant que tu ne l’étais il y a cinq ans ?
Aujourd’hui oui. Aussi bien au niveau professionnel que personnel.

Le bonheur est-il de gagner des courses ou ne pas en perdre ?
Gagner des courses. Ne pas en perdre n’a aucun sens. Il y a des jours où l’on se contente du fait de ne pas avoir perdu mais la plus grande joie vient de la victoire.

Propos recueillis par Stéphan Legrand.

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